Événements

Collecte et « archives essentielles »

Retour sur les questions aux Archivistes 2018 : synthèse de la question « Les archives essentielles : de la collecte généraliste à la macro-évaluation ? »
Par Lydiane GUEIT-MONTCHAL, présidente de la section des archivistes départementaux de l’AAF
*Intervention proposé par la Section des archivistes départementaux*

En 2017, l’AAF a initié un mode de travail associatif, « questions aux Archivistes », destiné à bâtir une large réflexion sur des problématiques liées au métier, à ses missions et à ses valeurs. Une des questions posées était inspirée par une des propositions du « Rapport Nougaret » de mars 2017, autour de la notion d’ « archives essentielles », dont l’AAF s’est emparée bien avant qu’elle surgisse dans le paysage médiatique et avant la consultation « Archives pour demain ».
Concept archivistique développé depuis une trentaine d’année, la notion d’archives essentielles a notamment été reprise par la normalisation sur le Records management (Norme ISO 15489).
Ce qui est nouveau, et qui constitue notamment une des propositions du rapport Nougaret, est l’idée de définir dans la pratique archivistique publique française, très en amont, le ou les périmètres relevant des « archives essentielles » : ils feraient l’objet d’une attention particulière, tandis que les autres ensembles pourraient être traités en procédures allégées.
Cette proposition a ouvert de larges pistes de réflexion dans toutes les instances de l’AAF, sur la méthodologie et les critères d’évaluation des documents, les conséquences sur les méthodes de travail avec les producteurs, la visibilité de l’archiviste, le traitement réservé aux « autres documents », etc.
Cette intervention permettra de faire une synthèse des débats et des conclusions telles qu’elles ont été finalisées ors de l’AG de mai 2018, en remettant en perspective ces éléments de réflexion avec les questions débattues dans la presse et la consultation « Archives pour demain ».


Évaluer et sélectionner les archives sous l’œil du citoyen

Par Catherine JUNGES, sous-directrice de la politique archivistique, Service interministériel des archives de France

De novembre 2017 au premier trimestre 2018, l’évaluation et la sélection des archives publiques sont devenues l’objet d’un débat public : pétition en ligne intitulée « Les archives ne sont pas des stocks à réduire », articles et tribunes dans la presse, prises de position sur les réseaux sociaux se sont succédés. L’inquiétude suscitée par la proposition faite dans le cadre de la réflexion préalable à l’élaboration du rapport Action publique 2022 de « limiter la collecte aux archives essentielles », est venue rencontrer celle engendrée par les opérations de réévaluation menées par les Archives nationales sur deux séries de documents touchant au dépôt légal d’une part, à l’exercice du droit à l’avortement d’autre part.
Porté au départ par des historiens, ce débat a trouvé un large écho auprès de l’ensemble des usagers des services d’archives et témoigne d’une forte attente de transparence de leur part quant aux pratiques d’évaluation et de sélection des archives publiques :
• Quels outils imaginer pour informer des règles et du processus d’évaluation et de sélection, ainsi que pour rendre compte de la façon dont il est appliqué et du résultat de la collecte aux usagers, aux citoyens, mais aussi aux producteurs et aux décideurs ?
• Faut-il aller plus loin et passer de la transparence à la participation en associant le citoyen, l’usager, et/ou l’administré au processus d’évaluation et de sélection des archives ?


Collecter mieux ? Retour sur une expérience prospective de collecte des archives de l’Agriculture

Par Anne MINGOUS, Archives du département du Rhône et de la Métropole de Lyon et Nicolas CORTESERO, Voies navigables de France

Les années 2016-2017 ont peut-être marqué le début d’un tournant dans la tradition française de collecte des archives publiques. Jamais le constat n’avait été si franchement posé, que les procédures classiques, suivi de circulaires ou d’instructions de tri, circuits de demandes d’élimination et de versement par les administrations, ne permettaient pas (plus ?) de faire rentrer dans les fonds publics les documents traduisant au mieux les réalités et les problématiques essentielles de la société contemporaine, et permettant également de répondre aux besoins actuels et futurs de matériaux historiques et mémoriels.
Partant de ce constat, les Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon ont souhaité expérimenter, sur plusieurs domaines majeurs de l’évolution sociale et de l’action publique contemporaines, une réflexion visant à identifier les archives majeures et leurs producteurs – publics, parapublics, associatifs, industriels ou individuels – afin d’entreprendre auprès de ceux-ci des démarches de collecte volontaristes. Cette réflexion a été menée en concertation avec des chercheurs spécialistes de chacun des thèmes considérés afin d’identifier leurs attentes d’aujourd’hui mais aussi, avec toute la modestie que cette spéculation suppose, celles de leurs successeurs de demain et d’après-demain.


L’archiviste et le secret du vote. La préservation des bulletins en question(s)

Par Jérémie MOUALEK, Université Paris Saclay

Cette communication traitera de l’archivage de données sensibles à travers l’exemple des bulletins annulés issus des scrutins politiques.

La présentation prendra appui sur des observations et des entretiens effectuées aux archives départementales de l’Oise entre 2012 et 2016, dans le cadre d’une recherche sociologique sur le vote blanc et nul.

Le total de bulletins s’élève à 15 683. Un ensemble de cette ampleur est inédit en France, l’archivage des bulletins annulés n’étant pas courant, surtout dans ces conditions. Cela peut s’expliquer, peut-être, par l’intérêt tardif suscité par la publication, en 1969, d’un article d’Yves-Marie Bercé dans La Gazette des Archives et dans lequel il prône la conservation des bulletins annulés. De même, la pluralité des pratiques d’archivage s’explique, notamment, par la faiblesse du cadre réglementaire qui régit la préservation potentielle des bulletins annulés. De fait, seule une circulaire interministérielle de 2004, relative aux élections politiques postérieures à 1945, stipule qu’à l’issue d’une conservation intégrale de quinze jours en Préfecture, « des échantillonnages peuvent être envisagés (pour certains scrutins ou certains bureaux de vote) selon l’intérêt des mentions portées sur les bulletins ».

Portant souvent des marques de reconnaissance (voire un nom et un prénom), ces bulletins posent question quant à la préservation de l’anonymat du votant et donc la diffusion de leur bulletin de vote au plus grand nombre. Ils nous poussent à nous interroger sur la liberté de l’archiviste : peut-il, en raison de l’intérêt important de ces bulletins pour la recherche sociologique/historique, se permettre de briser le secret du vote ?

Nous tenterons de répondre à cette question en détaillant la façon dont les archivistes de l’Oise ont procédé et en retraçant, notamment, les préoccupations qui ont guidées leurs choix. Certains extraits du film-documentaire réalisé dans le cadre de cette recherche pourront d’ailleurs être diffusés pendant la communication.