Session “Nouveaux regards sur les publics”
Présidée par Cyril Longin
26 mars 2025 – 11h à 14h30 (avec pause de 12h30 à 13h30)
Grand auditorium
« […] car je n’ai rien et ne connais pas grand-choses de mon histoire »Stéphanie Dargaud, directrice des Archives départementales de la Charente-Maritime, conservateur en chef du patrimoine
Claire Ménard, responsable des ressources Archivistiques aux Archives départementales de la Charente-Maritime.
Depuis 2021, les Archives départementales de la Charente-Maritime (AD17) posent un constat partagé par d’autres services : les demandes sociales ne cessent de progresser par leur nombre. En croissance constante, ces demandes se caractérisent également par une extension à la sphère intime de l’individu, souvent en lien avec une mémoire traumatique. Les AD17 travaillent sur la prise en charge des demandes dites sociales par l’équipe de la salle de lecture : savoir les analyser, les définir, les anticiper, s’y adapter – et jusqu’à quel point ? -, développer des modalités et des protocoles d’accueil et de communication compatibles avec l’activité de l’équipe et équilibrés par rapport aux missions d’un service public d’archives, etc. A partir de retours d’expériences en salle de lecture et de l’analyse sémantique des courriers et des demandes de dérogations, cette intervention se propose de partager avec la communauté archivistique la réflexion en cours sur la prise en charge des demandes sociales : comment analyser et définir la motivation du demandeur ? Le demandeur peut-il être catégorisé (témoin, victime, descendant, défenseur, etc.) ? L’accueil et la médiation peuvent-ils être adaptés à chaque demandeur ? Par une présentation rapide de dossiers et de typologies les plus demandées, nous nous interrogerons sur le besoin d’explicitation des lacunes (échantillonnage, perte, non collecte) et la médiation nécessaire sur la procédure écrite de demande d’accès anticipée, souvent sources de difficultés pour les demandes sociales. Le protocole de consultation mis en place aux AD17 sera présenté ainsi que quelques observations sur le comportement et les questionnements des lecteurs et la phase de post-consultation. Enfin, nous nous interrogerons sur le rôle, aujourd’hui, de l’archiviste dans l’ensemble du processus de communication d’un dossier et de sa place (distance, gestion de ses propres émotions).
Mots-clés : médiation, communication/consultation, adaptation, mémoire traumatique, sensibilité, enfance, secret
Les archives pour tous, simple slogan, mirage ou point d’attention essentiel pour penser les publics des archives ?
Amandine Gabriac, responsable du pôle valorisation, Archives départementales de l’Eure
Les archives sont-elles vraiment pour toutes et tous ? Comment s’assurer que cette formule ne soit pas seulement un slogan, un effet d’annonce, un mantra rassurant pour l’archiviste qui entend donner le mieux et le plus possible accès aux documents conservés ? Les archives se destinent-elles à être mises entre toutes les mains, à la portée de chacun ? Est-ce seulement possible, réalisable ou bien trop utopique ? Si l’on questionne l’attention conjointe aux archives dans une perspective de pensée de nos publics, nous identifions rapidement des freins : tous les publics imaginables ne viennent pas consulter les archives ni même visiter les expositions, tous les publics scolaires ne participent pas aux actions pédagogiques et aux médiations, pire encore, le public des archives ne se renouvelle pas tant et la perception de l’institution, comme de ses missions et des fonds conservés, semble parfois bien étrangère aux citoyens. Comment capter l’attention de tous les publics ou du moins de ceux qui semblent le plus éloignés ? Quel rôle joue l’archiviste dans cette attention au patrimoine écrit des territoires ? De quels outils dispose-t-il ou quels outils imaginer pour y parvenir ?
Nous proposons ici des pistes de réflexion dans le cadre de l’établissement du Projet scientifique et culturel des Archives de l’Eure. Ces réflexions s’inscrivent par ailleurs plus généralement dans le positionnement d’un service au sein d’une collectivité et, en particulier dans un territoire péri-urbain et surtout rural, par ailleurs largement touché par l’illettrisme, l’illectronisme et les freins à la mobilité.
Mots-clés : publics-pluriels, diffusion, accessibilité
Les Archives de Lyon en « économie de l’attention »
Aurélie Chalamel, chargée de communication, webmaster et community manager, Archives de la ville de Lyon
et Sonia Dollinger-Désert, directrice adjointe, Archives de la ville de Lyon et administratrice du blog « Archives et culture POP »
Dire que la profession d’archiviste est méconnue relève du truisme. Toutefois, cette réalité marque fortement les réflexions et les actions des archivistes qui ont fait de la visibilité de leur profession et de leurs actions un enjeu majeur, tant auprès des publics externes que des services producteurs.
Les publics sont, en effet, soumis à une grande quantité de sollicitations et d’informations bien supérieurs à leur capacité d’attention. Dans le même temps, si la multiplication de l’offre numérique capte l’attention des usagers, elle met à distance les publics et les archivistes et rendent plus complexes et formelles les relations entre eux.
Comment, dès lors, capter l’attention des publics pour un service d’archives, quelles sont les clefs qui permettent une meilleure visibilité et une véritable interaction avec les utilisateurs de nos services ? Comment capter l’attention des publics et des décideurs pour remplir nos missions de communication et de valorisation ?
La question de l’attention envers les archivistes est certes cruciale mais on ne peut attendre de l’attention des publics qu’en en donnant en retour. Ainsi, pour les Archives municipales de Lyon, l’attention à l’autre est devenue une valeur essentielle. La création d’un écosystème d’attentions partagées permet de répondre à ses missions de service public et d’avoir une vision inclusive des rapports à l’usager dans un esprit d’échange et d’enrichissement mutuel.
Cette communication proposera donc un état des lieux aux Archives municipales de Lyon et exposera la démarche du service en vue de construire une méthodologie au service de l’écologie de l’attention.
Mots-clés : attention, public, donateurs, communication
Les nouveaux espaces de l’attention dans le système archivistique français : quelques conclusions et mises en perspective à partir du programme de recherche sur les reconfigurations des rapports aux usagers (2RU)
Bénédicte Grailles, maîtresse de conférences en archivistique, Université d’Angers / TEMOS
Entre 2022 et 2024, le programme de recherche sur les reconfigurations des rapports aux usagers des archives (2RU), conventionné avec le SIAF, a cherché à explorer les pratiques et les projets vis-à-vis des publics, en partant à la rencontre des archivistes, d’usager-es et de services de tailles variables. Conjuguant différentes méthodes de recueil de données – quantitatives et qualitatives –, le programme a recensé les actions affichées, mises en place ou désirées par les services. PSCE, sites web, réseaux sociaux, archives des archives ont été mobilisés. Environ 70 entretiens individuels et collectifs ont été menés. Cinq terrains d’observation nous ont accueilli-es. 12 services ont été rencontrés. Des expérimentations ponctuelles ont également été réalisées.
Nous nous proposons de réfléchir, à partir des résultats de ce programme, aux nouveaux espaces de l’attention aux publics. Nous les appréhendons comme des dispositifs socio-techniques, c’est-à-dire des systèmes construits, régulés par les interactions entre acteurs, orientés par des rapports de force, des stratégies, l’addition de comportements individuels et d’une forme d’opportunisme. Nous les concevons également comme des formes de réponse à des demandes sociales émergentes.
De nombreuses innovations sont observables – tant dans les dispositifs eux-mêmes que dans le cheminement emprunté pour les penser et les concrétiser. Certaines peinent cependant à se généraliser. D’autres pâtissent de l’échelle de mise en œuvre, à savoir un service isolé. La communication sera l’occasion de réfléchir aux conditions de la réussite et aux points de blocage, mais aussi à ce que ces initiatives nous disent de la conception par les archivistes de leur rôle et de leur(s) mission(s).
Mots-clés : recherche archivistique, innovation, politique des publics, demande sociale
L’attention aux publics : méthodes et outils pour engager une démarche de consultation et de concertation
Débat d’idées animé par Brigitte Guigueno, Service interministériel des archives de France
Intervenants : Noémie Couillard, sociologue, agence Voix / Public, Bénédicte Grailles, maîtresse de conférences en archivistique, université d’Angers et Éric Montat, directeur des Archives départementales du Tarn
L’attention portée aux publics des archives durant cette dernière décennie s’est renouvelée, à la fois grâce aux études et enquêtes menées par le Service interministériel des Archives de France, mais aussi grâce aux différentes démarches engagées par les services eux-mêmes, avec l’objectif de mieux connaître ces publics pour mieux répondre à leurs attentes. Cette attention s’inscrit également dans un mouvement participatif qui touche de plus en plus de domaines de la société et où la culture s’intègre pleinement.
Cette participation prend deux formes principales : la consultation, qui permet de mesurer la satisfaction et les besoins des usagers, et la concertation qui repose sur l’échange et la co-construction, pour aboutir à adapter les offres de service proposés par les Archives, sur des sujets tels que l’accueil, la salle de lecture, le site internet, la programmation culturelle. Les modalités peuvent être variées : enquête quantitative ou qualitative (in situ ou en ligne), interviews, ateliers, comité d’usager, etc. Nous précisons que ne sera pas abordée ici la participation du public dans les projets d’enrichissement archivistique (type indexation ou transcription).
Pour séduisante que soit la démarche – que l’on s’y engage de soi-même ou à la demande de la tutelle –, faire participer le public ne s’improvise pas. Pour que la démarche porte les fruits attendus, il est nécessaire de bien la construire en amont et d’en définir le périmètre et les objectifs.
Cette table ronde, qui rassemble trois professionnels aux profils très différents – s’attachera, de façon très pragmatique, et à partir de retours d’expérience, à répondre notamment aux questions : quels types de modalités mettre en œuvre pour quels résultats ? Avec quels outils ? Quel public associer ? Quelles sont les limites de l’exercice ? Quelles sont les adaptations / bénéfices / points d’attention à prévoir pour les équipes ?
Mots-clés : publics, participatif, méthodologie, enquête







