Mercredi 26 mars 2025, Aurore François, professeure en méthodologie de l’histoire et archivistique à l’université catholique de Louvain, a présidé une session intitulée Pour une archivistique plus inclusive,.
Celle-ci a débuté par une présentation d’Adèle Werner intitulée « Transmission numérique féministe : quelles pratiques archivistiques militantes ? Quel rôle à prendre pour l’archiviste ? », qui est le fruit d’un travail réalisé dans le cadre d’un mémoire à l’Enssib. Son étude porte sur les groupes féministes et leurs pratiques archivistiques, notamment numériques. Elle a d’abord présenté ses méthodes : une éthique féministe de recherche, c’est à dire une posture universitaire mais sans se placer au dessus de ses enquêté-es, et une inscription dans le cadre de la pensée archivistique des communautés. Pour cela, elle s’est principalement concentrée sur l’étude des comptes Instagram de dix groupes militants. Elle a défini des typologies, réfléchi à l’utilisation des outils d’Instagram et mené des entretiens oraux avec les administratrices des comptes. Ainsi, elle a identifié plusieurs caractéristiques et défis propres aux archives féministes : le caractère militant de ces archives, la diversité des supports et des médias, le lien affectif entre les militantes et leurs archives mais également des difficultés idéologiques résultant des évolutions militantes. L’archivage institutionnel est toutefois une des problématiques majeures. En effet, il existe un risque de produire des discours stigmatisants ou dépolitisés. Adèle Werner reprend notamment Pierre Lascoumes en pointant du doigt le fonctionnement horizontal des structures militantes et leur rapport au temps spécifique, non adaptés aux structures institutionnelles. Se pose alors la question des compétences mais également connaissances, et donc de la légitimité des archivistes à traiter ce type d’archives.
Bérengère Piret et Inès Glogowski ont ensuite présenté leur intervention « Pour une description archivistique inclusive. Réflexions autour de principes et de pratiques archivistiques décoloniales ». Les deux archivistes des Archives de l’État de Belgique ont tout d’abord introduit le sujet en abordant la question du vocabulaire. En refusant le terme de décolonisation, elles rappellent que celle-ci est un processus sans fin, et posent la question de la légitimité en tant qu’européennes travaillant pour un État anciennement colonial, de vouloir décoloniser les archives. Elles proposent à la place d’utiliser la notion de « pratiques archivistiques plus inclusives et équitables ». En effet, les archives relatives à la colonisation ont subi un traitement biaisé par leur époque, et sont décrites avec des notions aujourd’hui problématiques. Pour répondre à ce problème, elles proposent de partir de celles-ci pour prendre conscience de ces biais et réfuter la neutralité archivistique. Certains projets ont déjà pris en compte ces défis et travaillent à généraliser des pratiques archivistiques plus respectueuses. Le projet européen ARIE vise par exemple à développer des modules de cours concernant les archives relatives à la colonisation afin de sensibiliser les enseignant-es et les étudiant-es à ces archives et à leur gestion. La publication d’un manuel de gestion concernant les archives relatives à la colonisation conservées en Europe est également prévue en 2025. De manière générale, Bérengère Piret et Inès Glogowski recommandent une révision des anciens instruments de recherche sans pour autant les supprimer, un travail de réflexion collectif entre archivistes et personnes concernées par ces archives ou encore une participation citoyenne plus large.

Billet rédigé par Iris Charriou et Mathilde Jamot