Cette session présidée par François Giustiniani était consacrée à la collecte des archives des hommes et femmes politiques sous toutes leurs formes : archives papier et électroniques, dont les boîtes mails et les réseaux sociaux.

La table ronde animée par Violette Lévy, cheffe du bureau du contrôle, de la collecte des missions et de la coordination interministérielle du SIAF, réunissait Nathalie Morin, cheffe de la Mission des archives auprès des services du Premier ministre, et Edouard Curt, chef de cabinet de Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique. Ce dernier, sensibilisé par sa formation à l’importance du traitement des archives a déjà eu l’occasion d’expérimenter cinq opérations d’archivage dans des cabinets ministériels lors de précédentes fonctions.
En France, la collecte des archives politiques a débuté à la fin des années 1970 avec la mise en place de protocoles de versement et la création d’un service d’archives à l’Élysée dirigé par Perrine Canavaggio. Violette Lévy souligne que les missionnaires jouent un rôle fondamental pour susciter l’attention des décideurs et la table ronde a mis en avant la procédure de collecte des archives, qui concerne aujourd’hui davantage le numérique.
La collecte débute actuellement par la publication d’une note circulaire du Premier ministre rappelant l’importance de l’archivage. Cette note sert d’accroche pour prendre l’attache des cabinets ministériels. La procédure est présentée aux directeurs de cabinet, dès leur arrivée, avec le protocole de versement, à un moment où il est compliqué d’envisager le départ. Par ailleurs, une fiche pratique est transmise aux conseillers, pour expliquer la procédure et le soutien que les archivistes pourront apporter. Lors de la dissolution du cabinet, une fois la collecte réalisée et les bordereaux de versement récupérés, les données sont entrées dans le système d’information archivistique et la direction des systèmes d’information effectue des copies des serveurs et des messageries. Quelle que soit la durée du gouvernement, le travail de récupération et de pointage reste conséquent. En général, les archives n’ont pas encore été traitées, et les recherches sont complexes avec des classements divers et un nommage pas toujours signifiant. Malgré un travail conséquent réalisé, l’enjeu reste de taille, selon Violette Lévy : il s’agit de continuer à documenter et à réfléchir à l’historique de la collecte.
Les intervenants ont souligné tout au long de leur prise de parole la dimension humaine de ces opérations d’archivage, qui s’inscrivent dans des contextes parfois programmés, parfois sans anticipation possible. Du point de vue du service d’archives, il s’agit de trouver la bonne temporalité pour agir. Du point de vue des cabinets, l’intérêt et l’envie d’archiver dépendent du contexte du départ du cabinet et de l’impulsion donnée par le chef de cabinet. Avant la présidentielle, les déplacements étant suspendus, les ministères disposent d’un temps plus conséquent pour préparer leurs archives. Les membres des cabinets sont particulièrement réceptifs au fait d’assurer la continuité de l’action de l’État, de conserver une trace de l’action menée et de pouvoir de nouveau consulter les archives du ministère pour justifier des actions.
La séance s’est poursuivie avec la présentation de Camille Forget qui a évoqué la collecte d’archives de réseaux sociaux des ministres et ministères au Luxembourg. Cette collecte ciblée menée par le service Collecte, conseil, encadrement des Archives nationales du Luxembourg s’appuie sur une base légale récente : une loi d’août 2018 et un règlement grand-ducal d’octobre 2019. La loi de 2018 impose l’obligation de verser les archives publiques et la création d’un réseau de délégués à l’archivage. Des tableaux de tri doivent être établis pour chaque ministère et un accord entre la Bibliothèque nationale et les Archives nationales permet d’archiver le web pour les données présentes sur les réseaux sociaux. Ce sont les Archives nationales qui ont la charge de cette collecte pour éviter la fragmentation des fonds. Il s’agit aussi de préserver un canal de communication de l’action gouvernementale pour documenter les actions nationales et les prises de position internationales. Cette collecte s’inscrit dans un enjeu de transparence démocratique, et c’est un argument auquel les décideurs sont sensibles.
La première campagne de collecte a débuté en 2023. Pour mener cette opération, les Archives nationales ont délimité un périmètre en prenant appui sur les tableaux de tri et se sont intéressées aux comptes cibles identifiés par le service de presse gouvernementale. Le projet pilote mené avec le compte Facebook du premier ministre a conduit à la définition d’une méthodologie d’extraction et de versement. En décembre 2024, la deuxième campagne s’est élargie avec les comptes des ministères. Les Archives nationales envisagent que cette opération devienne une activité récurrente.
Camille Forget conclut que la campagne a offert une occasion de sensibiliser à la préservation des archives des cabinets, d’autant qu’elle intervenait, pour certains cabinets, à l’occasion d’un premier versement après la loi de 2018. Ces deux campagnes ont permis de collecter 55 GB de données, avec 80% de participation. L’objectif était également de pouvoir déplacer le regard sur les archives, pour que les collaborateurs des ministères les regardent autrement et que d’autres versements puissent être encouragés.