Lors de la session « l’attention aux archives de la recherche » présidée par Caroline Muller, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université de Rennes 2, sept intervenants ont pris successivement la parole pour évoquer de nouvelles attentions portées aux archives de la recherche avec des expertises variées.
Marie Stahl, de l’École française d’Athènes (EFA), a axé son intervention sur la collecte des archives de la recherche à l’EFA. Elle note qu’en 2017, sur 65 programmes de recherche, seuls 8300 fichiers ont été collectés par le service d’archives pour 0,6 ml d’archives. Deux axes de travail sont alors mis en place pour améliorer la collecte, témoignant de deux nouvelles formes d’attention aux archives de la recherche, la « vigilance » d’un côté, « s’engager, prendre soin, valoriser » de l’autre. L’objectif est d’obtenir des versements annuels de typologies préalablement décidées conjointement avec les équipes de recherche, d’établir un contrat de confiance entre le service d’archives et la direction, d’assurer une plus forte visibilité auprès des producteurs d’archives et un suivi par le service via notamment la désignation obligatoire de référents archives. En 2024, sur 130 programmes de recherche, 156 versements ont été effectués pour 139 000 fichiers et 15ml. Les typologies sont plus homogènes, des dons sont proposés et les liens entre l’établissement et la communauté scientifique se sont consolidés.
La deuxième intervention intitulée “Les archives de la recherche : objet d’attention et enjeux d’une profession” est présentée par Sarah Cadorel de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et Océane Valencia de la Sorbonne Université. Elles nous présentent ici leur travail sur l’intérêt de la communauté scientifique et documentaire pour les archives et données de la recherche ainsi que la place que l’archiviste tient au sein de cet intérêt. À partir d’un corpus défini de données ouvertes recensées sur data.gouv.fr ou Gallica et de données de l’AAF et de la section AURORE, elles articulent leur propos autour de quatre questionnements. Les archives de la recherche sont-elles populaires ? Quels moyens humains pour s’occuper des archives de la recherche ? Qui parle des archives de la recherche ? Comment les différents acteurs en parlent ? Elles font état d’une diversification d’intérêts portés aux archives et données de la recherche par la communauté scientifique et documentaire sans toutefois garantir aux services d’archives des établissements du supérieur des hausses de moyens (elles observent notamment une stagnation des archivistes en poste malgré le développement des projets de recherche autour des archives).
La communication de Lorenzo Declich et de Lucas Iannuzzi (The International Association for Mediterranean and Oriental Studies, ISMEO) au sujet de la gestion des fonds de la bibliothèque de l’Institut italien pour l’Afrique et l’Orient (IsIAO) a proposé une mise au point concernant directement l’attention aux archives de la recherche sur la manière de nommer aujourd’hui des collections issues de la période fasciste italienne. Cela pose clairement des difficultés en matière d’identification et de nommage des documents qui, de plus, ont été dispersés au cours du temps dans différents établissements. Concrètement, les documents sont classés par thématique selon les critères de la politique fasciste et coloniale des années 30, il s’agit donc pour les personnes en charge de leur gestion aujourd’hui d’adapter la description de ces fonds d’après des critères plus actuels, sorte de « décolonisation des fonds » ouvrant des possibilités de mise en commun des savoirs et d’inclusivité par le crowdsourcing et la collaboration avec des artistes.
Enfin, Margot George, ayant longtemps exercé en archives de la recherche et actuelle productrice du podcast Archivistica, a clôturé cette première partie de session en proposant une intervention dans le sillage de sa thèse Les chercheur·se·s en laboratoire et leurs archives : représentations et pratiques dans les sciences du végétal. Revendiquant les capacités empathiques et assertives de l’archivistique dans l’approche des producteurs d’archives dans les phases de collecte, elle préconise notamment de prendre en compte les représentations sociales des producteurs. Ces derniers ont une définition évolutive des archives qui peut être négative ou positive mais qui peut être anticipée. Il existe un fort attachement des chercheur·se·s à leurs archives. Durant la phase de collecte, l’archiviste doit savoir accueillir les émotions que la collecte génère car les producteurs ont satisfaction à contribuer au bien social. Laisser une place à la relation sociale semble être pour la chercheuse un élément déterminant pour une collecte attentive des archives.
Billet rédigé par Simon Bocher et Arthur Pruvot