La session Archivistes, usagers : des attentions réciproques, était présidée par Nathalie Sage-Pranchère (CNRS). La première partie de la session est une table ronde animée par Christine Martinez (Archives départementales du Lot, Archivistes sans frontière) : « Réparer les mémoires ? : le projet « Réfugiés et internés dans le Sud-Ouest – 1936-1944 », avec Jean-Charles Bédague du service interministériel des Archives de France (SIAF) et Marine Garnier des Archives nationales.
Le projet « Réfugiés et internés dans le Sud-Ouest – 1936-1944 » débute en 2019, suite à la commémoration de la Retirada (exil massif des républicains espagnols à la suite de l’arrivée au pouvoir de Franco) et à diverses lois mémorielles en Espagne reconnaissant le statut de victimes aux réfugiés espagnols (2022). Il commence par un partenariat entre les Archives départementales de l’Aude et celles des Pyrénées-Orientales : l’Aude numérise et les Pyrénées-Orientales ouvre une base de données « CAMPS » mise en ligne en 2020. La demande des publics de renseignements et le besoin de prouver ses droits a permis d’élargir le partenariat au travers du groupe des « Treize occitans » (13 départements de l’Occitanie).

Le projet « GIROPHARES » porté par les Archives nationales travaille depuis 2021 sur les archives de l’exil des républicains espagnols, après le double constat de la richesse des fonds et de l’importance des demandes. Cela repose sur la rédaction de nouveaux instruments de recherche permettant l’identification des fonds, sur la numérisation et sur l’indexation collaborative. Une cartographie des parcours des réfugiés a également été dressée. Certains lecteurs participent au projet.
Certains points ont été soulevés pendant l’intervention. La pression politique et sociale subie par les victimes conduit à une attente élevée vis-à-vis des services publics d’archives. Les archivistes ne peuvent pas toujours répondre correctement à toutes les demandes à cause d’instruments de recherche problématiques (manque, peu de détails…), le dépouillement n’est pas toujours réalisable et la numérisation peut être compliquée. Cette situation pousse le SIAF à interagir avec la CNIL afin d’obtenir la mise en ligne des fonds concernés.
Les archives présentent des limites car elles peuvent ne pas exister, mentir, ne pas apporter de réponses, répéter des informations déjà connues, manquer de contexte, etc. Par rapport à la langue, GIROPHARES propose une indexation bilingue (français et espagnol) mais se pose la question de traduire les instruments de recherche et les fiches d’aide à la recherche.
Le rôle de la CNIL est déterminant dans ces différents projets car son autorisation est requise afin de permettre la mise en ligne des fonds. La décision est prise en fonction des données personnelles présentes (CRPA, article D 312-1-3).
La dernière question énoncée par les intervenants est celle du portage politique des projets. Si en Espagne, la question du statut des réfugiés espagnols a fait l’objet d’une reconnaissance étatique, est-ce que les projets francophones auraient pu être favorisés par une volonté politique similaire en France ? Lorsque le SIAF a fait sa demande d’ouverture à la CNIL, de nombreuses lettres de divers institutions et représentants de la société civile l’ont accompagnée. Mais le projet n’a pas pu progresser. La mise en réseau est un aspect important de ces projets parce qu’il peut permettre un portage local, voire national et européen. Néanmoins, la question des budgets se pose et le foisonnement des projets est à éviter afin d’aider le lecteur dans ses recherches.
Billet rédigé par Alice Coisne et Léa Marcandella.