Jeudi 27 mars 2025, Matthieu De Oliveira, professeur en histoire contemporaine à l’université Lille 3-IRHiS, a présidé la session intitulée La capacité à coopérer au niveau local, national et international.
Cécile Rivière, archiviste au Centre de la mémoire urbaine d’agglomération – Archives de Dunkerque et Camille Cottet, présidente du Refugee Women’s Centre ont réalisé une intervention sur le thème « Littoral et exil : citoyens et archives s’associent pour documenter l’invisible ». Elles sont à cette occasion revenues sur la coopération développée entre plusieurs associations soutenant les personnes exilées dans le Nord de la France et les Archives de Dunkerque. L’objectif est de documenter cette histoire caractéristique de la frontière franco-britannique dans un contexte marqué par le durcissement des conditions du passage légal vers le Royaume‑Uni et les démantèlements des camps informels de personnes exilées, provoquant ainsi la disparition des traces de leur existence. Cette coopération s’articule en particulier autour d’un projet de collecte de témoignages oraux relatifs au campement de la Linière ayant existé entre mars 2016 et avril 2017. Cécile Rivière et Camille Cottet ont retracé le cheminement ayant mené au lancement de cette initiative en évoquant dans un premier temps le don effectué par les associations SALAM et le Refugee Women’s Centre aux archives de Dunkerque en 2021. Le constat partagé par ces associations et le Centre de la mémoire urbaine d’agglomération de Dunkerque d’un manque de documentation sur la trajectoire des bénévoles et sur l’expérience du camp de Linière ont abouti en 2023 au lancement d’une collecte de témoignages auprès d’acteurs impliqués dans l’accueil des exilés. Une attention particulière a été accordée au fait de répartir de manière équilibrée les témoignages entre les responsables des associations et les bénévoles actifs plus occasionnellement ainsi qu’entre les acteurs locaux dunkerquois et les volontaires internationaux notamment présents au sein du Refugee Women’s Centre. L’objectif était également de constituer une documentation inédite par rapport aux ressources déjà existantes et disponibles sur le camp de Linière. Le projet, fort de l’implication de six associations, a jusqu’à maintenant abouti à la réalisation de douze entretiens. En plus de leur diffusion en ligne, les archives de Dunkerque prévoient actuellement la réalisation d’une exposition les mettant en valeur à l’occasion de la prochaine édition « Tous acteurs pour Dunkerque » au mois de juin 2025. Cécile Rivière et Camille Cottet ont enfin conjointement conclu sur les atouts de cette coopération locale. Elle a permis aux archives de Dunkerque de mieux comprendre les fonds donnés par les associations et d’être plus facilement mis en relation avec les témoins ainsi que pour les associations d’avoir la garantie que leur mémoire sera durablement conservée et de voir leur utilité reconnue là où les politiques publiques tendent le plus souvent à ignorer leur rôle.
La session s’est clôturée par la conférence intitulée « Unir ses forces pour sauvegarder et valoriser les archives du Mouvement anti-apartheid du Robben Island Museum : le projet Unboxing Mayibuye » présentée par Christine Braemer, responsable pédagogique de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Elle a évoqué le projet « Unboxing Mayibuye », une initiative de coopération financée par l’Agence française de développement (AFD), et menée par l’INA au bénéfice du Robben Island Museum (RIM). Le RIM est un lieu de mémoire en tant qu’ancienne prison de haute sécurité pour les activistes anti-apartheid tels que Nelson Mandela. Il se concentre sur les « Mayibuye archives », mot scandé à la fin de l’apartheid signifiant « ramenez ». Elles ont été ainsi nommées car les opposants de l’apartheid ainsi que leurs archives étaient dispersés dans le monde jusqu‘à leur retour en Afrique du Sud en 1992. Le fonds comporte des documents audiovisuels, des photographies, des objets, des artefacts et des archives écrites. Ces dernières comprennent notamment la correspondance des activistes emprisonnés. Les objets conservés reflètent entre autres la vie quotidienne des prisonniers. Ces archives racontent donc l’histoire de la lutte contre l’apartheid de manière riche et multiple. Le but du projet est de créer les conditions pour la préservation et la diffusion des archives mayibuye, de mettre en place une dynamique régionale autour des archives, de développer les compétences et le partage d’expérience. Il a permis au RIM de devenir un centre de référence pour l’archivage numérique. Le projet s’est déroulé en deux phases. La première, d’une durée d’un an, a porté sur l’expertise et la compréhension des besoins des partenaires et la définition d’une feuille de route. La deuxième phase, d’une durée de deux ans, a porté sur la préservation et numérisation d’une collection pilote. Il s’agit d’actions de valorisation culturelle, académique et éducative pour rendre visible cette collection et encourager ce type d’initiatives. Il y a aussi eu des actions de formation et de conseil pour le RIM. Cette coopération s’est déployée à différentes échelles : nationale, régionale et internationale. D’abord au niveau de l’Afrique du Sud où elle a par exemple impliqué l’Université de Western Cape, lieu historique de résistance et de naissance du centre mayibuye. A l’échelle régionale est prévue la tenue d’un séminaire au Cap visant à sensibiliser les décideurs au sort de ces archives. La collaboration internationale s’est manifestée au travers de l’implication de l’INA dans ce projet mené par l’INA, s’étant elle-même appuyée sur d’autres institutions comme les Archives nationales et le musée du Quai Branly. Ce projet a ainsi permis aux yeux de Christine Braemer de faire valoir l’expertise française à l’international.

Billet rédigé par Radwan Kamar et Sarah Moulusson