Session ” L’attention aux archives de la recherche “
Présidée par Caroline Müller
Jeudi 27 mars 2025
13h30 à 16h30 (avec pause)
Salle Carré 2
L’attention d’une institution portée à ses archives, un levier pour la collecte : le cas de l’École française d’Athènes
– Marie Stahl, École française d’Athènes
– Alexandre Farnoux, Sorbonne Université
La collecte des archives de la recherche peut faire face à de nombreux freins, voire des blocages, et ce à différents niveaux, de la gouvernance de l’établissement aux producteurs, de la planification du programme à la publication des résultats. L’École française d’Athènes (EFA) ne fait pas exception à la règle. Toutefois, une série d’actions ciblées, menées au sein du service des archives et des autres services d’appui à la recherche, a permis un passage à l’échelle dans le domaine de la collecte par l’implication des équipes de recherche sur ce sujet.
D’une part, l’EFA a résolument placé les fonds d’archives au centre de ses problématiques, via une politique volontariste alliant suivi des versements et assistance aux chercheurs. L’écosystème numérique développé favorise le traitement rapide des données collectées, rendant visible le travail des équipes et favorisant par cela de nouveaux versements.
D’autre part, en valorisant de manière sensible les fonds collectés, l’institution a manifesté l’attention qu’elle portait au travail passé, présent et futur des chercheurs ; en retour, ces derniers se montrent plus enclins à procéder aux versements. Mais au-delà de la communauté académique, cette politique attentive a aussi permis aux ayants droit, souvent héritiers de ces fonds, d’en découvrir la valeur scientifique et d’en accepter la mise à disposition auprès de l’institution. Un programme, intitulé Une histoire décalée de l’École française d’Athènes, est consacré plus spécifiquement aux archives privées des chercheurs dont l’exploitation autorise une histoire non officielle et plus humaine de l’institution. Ces archives acquièrent, grâce à l’attention de l’institution, une valeur scientifique et permettent de tisser de nouveaux liens avec une communauté élargie. D’autres programmes ont mis les archives au cœur de leurs investigations et fédèrent ainsi d’autres institutions. Cette communication propose de faire émerger les points « d’attention » qui ont favorisé et nourri cet élan.
Mots-clés : archives de la recherche, collecte, valorisation, politique d’établissement


Les archives de la recherche : objet d’attention et enjeux d’une profession
Océane Valencia, Sorbonne Université
Sarah Cadorel, Inalco
Depuis une quinzaine d’années, les archives de la recherche font l’objet d’une attention croissante. Le mouvement pour la science ouverte a progressivement placé la pérennisation de l’information scientifique au cœur de son action. Si cette ouverture s’est d’abord focalisée sur les publications, il a rapidement été question des données puis de l’ensemble des documents et des données produits et reçus dans le cadre de la recherche.
Autrefois négligées dans les établissements d’enseignement supérieur, les archives de la recherche bénéficient désormais de processus de prise en charge. Néanmoins, cette attention est inégale, tant au niveau des méthodes de traitement que des acteurs impliqués. Les modes d’entrée sont divers – dons, versements ou dépôts – et les ressources consacrées au traitement souvent soumises à des arbitrages basés sur la valeur supposément scientifique du fonds, la notoriété du producteur et des enjeux institutionnels. En outre, le glissement d’attention, de l’accès aux publications vers les archives, a introduit une diversité d’acteurs revendiquant leur expertise dans ce domaine. Si le traitement d’archives scientifiques nécessite une coopération avec les producteurs ou des spécialistes du domaine, l’archiviste n’est pas toujours l’interlocuteur naturel. En témoigne une littérature administrative assez riche : les métiers de l’information scientifique et technique ont le goût de l’archive et l’intérêt des chercheurs de toutes disciplines pour ces archives a été renouvelé par les humanités numériques.
Objet de convoitise et de revendication, les archives de la recherche sont abordées avec des angles de vues variés, parfois éloignés de l’archivistique. Le positionnement de l’archiviste s’en trouve bouleversé et pose des questions sur les pratiques voire l’existence du métier au sein des établissements.
Cette communication propose donc d’interroger la pratique archivistique au prisme des archives de la recherche et abordera les enjeux politiques et professionnels de la conservation du patrimoine scientifique.
Mots-clés : archives de la recherche, profession, science ouverte, archivistique, information scientifique et technique, archiviste


Exp(l)oser les archives coloniales ? Les archives de l’Institut italien pour l’Afrique et l’Orient conservées à Rome.
Lucas Lannuzi et Lorenzo Declich, The International Association for Mediterranean and Oriental Studies – ISMEO
Cette communication souhaite proposer un retour d’expérience relatif aux archives de la bibliothèque de l’Institut italien pour l’Afrique et l’Orient (IsIAO), à leur gestion aujourd’hui et aux défis rencontrés dans la remise en circulation de ces “objets sensibles”. Les collections bibliographiques, photographiques et cartographiques, sont aujourd’hui conservées à la bibliothèque nationale centrale de Rome, mais l’IsIAO – institué en 1995 puis fermé pour raisons économiques en 2011 – résulte en fait d’une longue histoire, fondant deux institutions mères : l’Institut italo-africain (1906-1995) et l’Institut italien pour le Moyen et l’Extrême Orient (1933-1995). L’institut est l’héritier de l’Institut colonial – fondé en 1906 et renommé : Institut colonial fasciste, puis Institut fasciste de l’Afrique italienne et enfin Institut italien pour l’Afrique (1947-1971). L’IsIAO est tout à la fois un réceptacle institutionnel et archivistique qui offre de mener une réflexion sur les impensés d’une structure. La trajectoire archivistique fut infléchie par la diversité des logiques ayant formé et peu à peu façonné ces fonds. Tout comme les nombreuses politiques et tutelles en conditionnent encore aujourd’hui l’accès. Problématiques auxquelles il faut aujourd’hui ajouter les requêtes “par le bas” de la citoyenneté qui formulent – à juste titre – des demandes pour accéder via ces archives à une histoire encore objet de fantasmes et de réécritures mensongères. La liquidation de l’IsIAO fin 2011 signa la fin de l’intégrité documentaire des fonds. Transférés, mutant leurs fonctions, ceux-ci sont aujourd’hui ventilés dans trois lieux romains : la bibliothèque nationale, le musée des civilisations (Museo delle Civiltà) et les archives diplomatiques du Ministères des Affaires Étrangères. On s’intéressera à témoigner une expérience italienne autour de différentes opérations de restitutions et de réarticulations des archives à des publics divers, lors de “talks” dans nos murs, mais aussi via une plateforme et une base de données peu à peu implémentées depuis 2022 (xDams).
Mots-clés : archives coloniales, numérisation, vulgarisation, activisme, outils digitaux


Pour une archivistique empathique et assertive : porter une attention particulière aux producteurs d’archives. Le cas des chercheurs·se·s en sciences du végétal
Margot Georges, laboratoire Temos Temps, Mondes, Sociétés, UMR CNRS 9016
Les archives nourrissent ou suscitent une grande diversité de représentations. Les producteurs possèdent ainsi une image des archives mais aussi des pratiques ordinaires d’archivage, parfois lointaines des règles archivistiques et d’autres fois d’une proximité insoupçonnée. Ce que ma recherche démontre, c’est que l’archivistique, qu’elle soit théorique ou appliquée, gagne à s’intéresser aux producteurs des archives, à leurs représentations comme à leurs pratiques sur les archives.
Cette communication présente les conclusions d’une recherche doctorale soutenue en avril 2022. Dans ce travail, j’ai analysé tout particulièrement les représentations des archives qu’ont les chercheur·se·s en sciences du végétal, ce qu’elles nous apprennent de leur identité et, en retour, ce que leurs activités et leur rapport à leur métier induisent dans leurs définitions et usages des archives. Mon propos s’appuie sur deux enquêtes principales : une enquête par questionnaire ayant recueilli 102 réponses exploitables et des entretiens réalisés auprès de dix chercheur·se·s.
Cette conférence veut offrir au public un espace de réflexion sur les pratiques professionnelles et adoptera deux axes principaux. Le premier concerne les représentations des archives : comment les approcher, les décortiquer, les analyser ? J’ai d’ailleurs montré qu’il existe chez les chercheur·se·s en sciences du végétal une première image des archives, proche des stéréotypes, qui s’estompe après discussion pour faire place à une définition plus complexe et plus proche de celle des archivistes. Le deuxième axe est celui de l’utilisation de cette approche par les représentations dans une dynamique que j’ai proposé d’appeler une archivistique empathique et assertive. Il s’agit de promouvoir un positionnement de l’archiviste qui s’écarte d’une relation asymétrique et réglementaire au profit d’une attitude de compréhension profonde des visions et des besoins des producteurs. Les quelques pistes proposées pour les sciences du végétal sont sans doute exportables dans d’autres contextes.
Mots-clés : archivistique, empathie, archives de la recherche, représentations sociales des archives

Les archives scientifiques : un objet d’attention conjoint pour archivistes et bibliothécaires de l’enseignement supérieur et de la recherche »
Débat d’idées animé par Julie Lauvernier, Humathèque Condorcet
Avec :
- Catherine Désos-Warnier, BNU de Strasbourg
- Océane Valencia, Sorbonne université
- Cyprien Henry, Mission archives du Ministère de l’Éducation supérieure et de la recherche
La question des archives scientifiques suscite aujourd’hui un intérêt croissant pour les historiens des sciences et pour tous ceux qui s’attachent à comprendre les conditions de développement et de diffusion de la production savante. Cet intérêt s’explique par le souci des chercheurs d’adopter une démarche réflexive, en étudiant les mécanismes de construction de la science ; mais il correspond aussi à une attente citoyenne, la transparence étant une condition essentielle pour assurer la confiance entre science et société. L’attention portée aux enjeux de science ouverte a en outre mis en lumière la question des données de la recherche.
Dans de nombreux établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR), cependant, ces archives font l’objet d’un traitement insuffisant. Par manque de visibilité sur leurs champs de compétences, les services d’archives sont souvent associés aux seules archives administratives ; tandis que les bibliothèques, qui ont pourtant une tradition d’accompagnement et de recueil de la documentation des chercheurs, hésitent à prendre en charge des ressources qui ne semblent pas appartenir à leur cœur de métier.
La table ronde que nous proposons vise justement à souligner l’enjeu de la collecte et du traitement des archives scientifiques, en s’intéressant spécifiquement à ceux qui en ont la charge. En proposant un échange entre les représentants de communautés (et de cultures) professionnelles différentes, et souvent complémentaires, elle étudiera les modalités, les difficultés et les opportunités d’une collaboration entre archivistes et bibliothécaires de l’ESR. Elle s’appuiera aussi sur les travaux récemment menés dans le cadre du programme « archives scientifiques » de CollEx-Persée.
Mots-clés : archives scientifiques, archives d’universités, bibliothèques, coopération, enseignement supérieur et recherche


