Julie Deslondes est archiviste-paléographe et directrice des archives départementales du Calvados depuis 2012. Dans le cadre du Forum des archivistes de Rennes, elle a proposé une intervention intitulée « Porter attention au donateur : impératif professionnel et éthique » au sein de la session « Déontologie et éthique » du mercredi 26 mars.

L’intervention se fonde sur un questionnement simple : comment collecter des archives privées, tout en articulant les demandes et les attentes des donateurs et les politiques de service. La collecte d’archives privées permet une rencontre avec des individus de tous milieux sociaux. Pour donner un premier élément de réponse, Julie Deslondes cite le cas de la grande collecte de 2014 pour le Centenaire de la Grande Guerre, rappelant brièvement que la grande collecte a été un cas unique en termes de participation. De nombreux exemples ont été présentés, notamment la collecte hors-norme des archives de la Bataille de Normandie. Tout comme les archives sur la Grande Guerre, les archives de la Bataille de Normandie concentrent une importante demande sociétale et mémorielle locale, malgré le peu d’archives. Pour les donateurs d’archives familiales, la charge émotionnelle est forte lorsqu’ils confient des documents concernant des événements dramatiques, comme la fusillade des résistants de la maison d’arrêt de Caen du 6 juin 1944. « Ce que je collectais, c’était un mémorial produit par la famille » selon l’intervenante.
La collecte d’archives politiques appartenant à des élus, comme Anne d’Ornano, présidente du conseil départemental de 1991 à 2011 et Louis Mexandeau, ancien député du Calvados de 1973 à 2002, questionne la nature de ces archives (statut privé ou public). Cela induit aussi des réflexions éthiques : des documents privés sur la vie des personnalités doivent-ils faire partie des archives collectées ? De nouvelles questions se posent : pour répondre à l’attente sociale, les documents présentant a priori un faible intérêt historique doivent-ils être collectés ?
Finalement, collecter autrement et différemment, mais également autre chose (dessins d’enfants durant le confinement et dessins en hommage aux victimes des attentats de 2015 collectés dans la rue), pour répondre aux attentes des donateurs doit être un point d’attention pour les services d’archives. Le don est un « travail au long cours » conclut Julie Deslondes car l’archiviste doit accompagner le donateur pendant toute la donation. On n’arrête pas le lien avec les donateurs après le don. Certains donateurs attendent quelque chose de ce don, une forme de « contre-don » (exemple : une femme ayant eu recours à un avortement clandestin qui souhaite que son témoignage soit largement diffusé).
Billet rédigé par Baptiste Haspot et Yannis Muzzin