Session : Politique des services d’archives

Le Projet scientifique, culturel et éducatif, vecteur de transparence ?

Par Hélène MAURIN, directrice des archives départementales de la Haute-Savoie

 

Les Archives départementales de la Haute-Savoie ont élaboré entre fin 2017 et 2018 leur Projet scientifique, culturel et éducatif pour la période 2018-2021. Il s’agit de proposer un retour d’expérience sur la construction de ce projet et de se demander si et comment le PSCE permet davantage de transparence non seulement au sein de l’équipe mais aussi vis-à-vis des décideurs, des usagers et du grand public.

Session : Que restera-t-il de nos archives numériques ?

Programme VITAM : Comment a-t-il séduit un tiers archiveur ?

Par Hervé STREIFF, Locarchives

Le programme VITAM porte ses fruits avec la première version dite « de production » livrée dans les temps. Après réalisation d’un prototype concluant, un tiers archiveur LOCARCHIVES a choisi VITAM pour sa nouvelle offre d’archivage électronique. Retour d’expérience sur cette implémentation privée de VITAM et éléments de décisions pour les modes d’exploitation du SAE (SaaS vs mutualisation vs intégration).


Transmettre la connaissance sur le (très) long terme: des manuscrits à l’âge moderne

Par Michel JACOBSON, CNRS et Nicolas LARROUSSE

L’IRHT, créé en 1937, associe à sa mission première de recherche sur les manuscrits, la préservation de ses objets de recherche. La technologie utilisée, qui au début du projet était le microfilm, a bien sûr changé et les données sont maintenant stockées sur des supports numériques. Ces données, accessibles par ailleurs dans un format plus léger via le site de l’IRHT, étaient stockées sur l’infrastructure de Huma-Num.

Compte-tenu de leur fort volume, 2 millions de fichiers, le risque de se transformer progressivement en « nécropole numérique » était important : un projet de préservation sur l’infrastructure du CINES a donc été lancé. Le volume atypique de données posait la question du financement de cette préservation, mais la possibilité de passer du format d’origine (TIFF) à un format plus léger (JPG2000) en tenant compte de l’expérience de la BnF a permis de lancer l’opération.

La description d’un point de vue technique des pages des manuscrits numérisés existait à l’IRHT, et s’accompagnait pour certains manuscrits de résultats d’études scientifiques. Logiquement, afin de préserver l’intelligibilité des données, il a été décidé de rassembler toutes ces informations.

Toutes les conditions semblaient réunies pour entamer le projet : nous disposions des ressources techniques nécessaires, les différents acteurs étaient motivés, etc.

La réalité nous a rattrapé rapidement, pas moins de deux ans ont été nécessaires pour préparer les données. Même si les données et les métadonnées étaient organisées, le temps de la collecte, sur plusieurs dizaines d’années, a produit des variations qui ne sont simples ni à identifier ni à corriger sur un tel volume de données. Il nous a fallu pour mener à bien ce projet réunir une équipe de personnes aux compétences très diverses et les faire travailler ensemble. Les aspects quantitatifs ont fortement conditionné les choix technologiques et les traitements ont dû être planifiés très finement. On ne pouvait pas utiliser la même approche avec ces volumes qu’avec des corpus de taille plus modeste. Enfin sans le souvenir encore vivant du projet de collecte, il aurait été impossible de prendre certaines décisions, dont certaines étaient irrévocables.

Session : Archives et transparence, vues d’ailleurs

Les archives au service de l’information du citoyen : l’expérience tunisienne

Par Myriam FAVREAU, région Nouvelle Aquitaine et Hasna TRII, directrice aux Archives nationales tunisiennes

En Tunisie, la Constitution de 2014 a consacré le principe d’accès des citoyens à l’information. La bonne gestion des archives s’est imposée comme un préalable indispensable à la mise en œuvre de ce principe.

Le programme national de gestion des archives mis en œuvre par l’Institution des Archives nationales de Tunisie et le Ministère de l’Intérieur à partir 1988, restait largement inconnu et inappliqué dans les collectivités dépourvues d’archivistes. Depuis la décentralisation adoptée dans la Constitution en 2014, les collectivités locales en Tunisie sont au nombre de 354 dont au moins 80 sont nouvellement créées (après 2015). Chaque collectivité gère les archives produites depuis sa création mais également les fonds d’archives de l’état civil auparavant gérés par les Gouvernorats. L’obligation de transparence et de mise à disposition des archives à tout citoyen en faisant la demande a fait de la question des archives une des premières préoccupations des secrétaires généraux de ces collectivités.

Le Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation (CFAD), ayant pour mission entre autres la formation des cadres et agents des gouvernorats et des communes ou des agents de l’administration centrale en rapport avec l’action régionale et communale, soutenu par la GIZ, agence de coopération internationale allemande, a constitué une équipe projet pour la création et l’animation de modules de formation destinés aux secrétaires généraux des nouvelles communes. J’y ai participé en tant qu’experte pour créer le module de formation en archivistique, avec Mme Hasna Trii des Archives nationales et Lamia Chahed du CFAD. Une phase d’audit en juillet 2017 a permis de recenser le besoin.Le module élaboré sur la base  de cet audit a ensuite été testé en août 2017 auprès de secrétaires généraux de mairies. Nous proposons de vous présenter cette expérience. Elle se déroulerait autour d’une présentation de la notion d’archives et de droit d’accès à l’information dans le contexte spécifique de la Tunisie, d’une présentation du travail de création du module de formation et d’un bilan global du projet.
Intervention préparée avec Lamia CHAHED, chef du bureau des recherches et de la documentation au CFAD.

Session : Archives militantes : le cas des archives LGBTQ et féministes

Déplacardisons nos archives ! Les archives LGBTQI+ en France

Par Patrick COMOY, Collectif Archives LGBTQI

Des projets d’archives LGBTQI+ (lesbiennes, gay, bi, trans, queer et intersexes) sont en pleine affirmation en France et au-delà. Leur développement témoigne d’une prise de conscience par ces communautés de l’importance de préserver et de transmettre leurs mémoires. Ces initiatives s’accompagnent de plus en plus d’une reconnaissance des pouvoirs publics et institutions patrimoniales.

Le collectif Archives LGBTQI+ est une émanation citoyenne qui milite depuis 2017 pour la création d’un centre d’archive et des mémoires LGBTQI+ qui devrait doit voir le jour prochainement à Paris. De tels lieux offrent de nouveaux regards sur les archives.

1- Les « communautés sources » revendiquent de gérer « leurs » archives, et d’en définir les contours (refus des distinctions classiques entre ce qui serait « patrimonial » et aurait la valeur d’être conservé, et des archives considérées comme « mineures » mais fondamentales par les communautés), et les épistémologies (mise en valeur d’une conception de l’archive « vive », qui refuse la sacralisation des artefacts et leur mise à distance du présent, qui valorise chacun.e comme foyer d’archive,…). Elles s’estiment légitimes pour proposer une autre forme d’expertise, située, accompagnée parfois d’autres pratiques, pour leurs archives; leurs approches de la collecte, du classement, de la valorisation, de toutes les étapes la chaine archivistique, peuvent agir comme un « trouble », et ouvrir à d’autres manière de voir et de faire.

2- Ce faisant, ces archives LGBTQI+, autonomes, apparaissent comme autant de révélateurs et (de nouvelles approches) pour toutes les autres archives notamment publiques. Les premières amènent les secondes à reconsidérer comment se sont constitués leurs propres fonds (archives de la répression, de la coercition, de l’action de l’État…), ce qu’ils contiennent et qui n’était pas analysé (par ex. au regard d’un thesaurus élargi aux concepts nécessaires pour des fonds LGBTQI+ ou de description spécifique), le statut d’expertise de l’archiviste professionnel.le et les modalités envisageables pour la valorisation.


 » Mes archives sont-elles queer ? « 

Par Bénédicte GRAILLES, Maîtresse de conférences en archivistique – Université d’Angers – laboratoire Temos (Temps, mondes, sociétés) CNRS-Fre 2015

Des besoins d’archivage et de communication spécifiques aux militant.e.s

La communication part de l’hypothèse, établie à partir de recherches autour du don et de la transmission d’archives, que les associations militantes et les activistes ont une définition des archives et une relation à la mise en archives singulières et en évolution d’où découlent des besoins et des demandes particulières. La publication des archives par la diffusion en ligne est d’ailleurs une forme contemporaine aboutie de l’action militante, le mot archives devant ici être pris dans son acception la plus large. Ces besoins spécifiques déterminent la géométrie des fonds, les documents confiés et la communicabilité. L’ ouverture des fonds à un public plus ou moins large est fonction du type de militantisme. Des logiques d’affiliation orientent le choix du lieu de conservation.
Suivant les configurations, les acteurs/actrices peuvent être mu.e.s par un besoin identitaire, voire communautaire, ou par un irrésistible élan de partage, un besoin de transmission intergénérationnelle. L’action d’archiver apparaît alors comme un militantisme continué.
Ces deux mouvements concomitants et/ou contradictoires – transmission et affiliation – ont diverses conséquences. Ces caractéristiques paramètrent les lieux de conservation, les traitements archivistiques, les modalités juridiques en fonction des degrés d’ouverture et de conformité idéologique.
La communication s’appuiera sur des études de cas, en particulier dans la sphère féministe et LGBTQ.