Retour par les étudiants sur trois sessions

Lors du Forum des archivistes, plusieurs étudiants du master 1 « Archives » (université Lyon III) ont pris des notes pendant les sessions : ils vous proposent ici leur compte rendu de trois d’entre elles, « Archives et droits humains », « Archives militantes : le cas des archives LGBTQ et féministes » et « Transparence des archives privées ». Vous retrouverez dans le dossier du prochain numéro d’Archivistes !, consacré au Forum, plusieurs de leurs contributions (à paraître en juillet).

Nous en profitons pour les remercier pour toute l’aide apportée, pendant et à l’issue du Forum des archivistes.

Les propos exprimés dans les textes n’engagent que les auteurs.


Archives et droits humains

Session présidée par Agnès Dejob

Par Anne-Sophie Delannoy et Richard Miriski, étudiants du master 1 « Archives », université Lyon III

Le mercredi 3 avril 2019, au salon Passementiers, s’est tenue la conférence sur les Archives et droits humains, présidée par Agnès Dejob, membre du comité scientifique du Forum des archivistes et responsable des Archives régionales de la région Pays de la Loire. Cette conférence nous a permis de nous interroger sur les enjeux liés à la transparence des archives dans le cadre de la recherche de la vérité, ainsi que de mettre également en lumière les difficultés que l’opacité et les obstacles peuvent insuffler chez les usagers en quête de réponses. Un aspect de l’archive qui n’est pas forcément évident dans un premier temps : la recherche de soi.

La première intervention autour de l’OFPRA et du défi de l’ouverture d’archives protégées, nous a été présentée par Aline Angoustures, cheffe de la mission histoire et valorisation des archives de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et Adélaïde Choisnet, qui travaille également à la mission Histoire et valorisation des archives de l’OFPRA.

Pour mémoire, l’OFPRA a d’abord été créé pour ceux qui bénéficiaient du statut international (défini par la SDN en 1922), puis étendu aux Arméniens rescapés du génocide de 1915. Basé à Fontenay-sous-Bois, il comprend plus de 800 agents. Les archives qui y sont conservées représentent pas moins de dix kilomètres linéaires d’archives, composées pour la plupart de demandes de dossier d’asile, dont les plus anciens datent de 1924. Le caractère confidentiel des archives de l’OFPRA explique en partie le manque de transparence de cet établissement, du fait de la nécessité de protéger les demandeurs d’asile. Les archives de l’OFPRA sont alors dites inviolables (la loi de 1952 permettant l’inviolabilité procure des fonctions de type consulaire à l’office).

Le problème du stockage a cependant permis l’ouverture de ces archives, qui était d’autant plus nécessaire que les historiens pouvaient consulter des archives interdites alors que d’autres non. Toutefois, inviolabilité ne signifie pas incommunicabilité. Par conséquent, une fois que l’utilité administrative est dépassée, ces documents peuvent être communiqués. La directrice des Archives de France propose ainsi un versement de droit commun, en échange de l’autonomie de l’OFPRA.

Le rôle d’interface accroît néanmoins les soupçons envers l’OFPRA. Les lecteurs ne comprenant pas la distinction entre la communication et la reproduction des documents après dérogation.

Les fonds administratifs sont dans des répertoires numériques détaillés mais des rendez-vous sont possibles afin d’orienter par exemple des recherches universitaires, ou bien pour des questions d’accessibilité physique et intellectuelle afin que les gens puissent mieux comprendre.

En 2017, le service a mis en place une salle virtuelle des archives les plus anciennes. Néanmoins, cette mise en ligne a rencontré certains problèmes, notamment par rapport à la publication de données personnelles. Pour autant, la majorité des lecteurs consulte sur place. En 2018, 232 personnes ont été reçues dans le service. Cependant, la prise de rendez-vous est nécessaire, en raison de l’espace des locaux (accueillant seulement quatre places) et de la localisation de ceux-ci, au cœur de l’institution.

La deuxième intervention intitulée « Retracer le passé de victimes de la société : la gestion de l’impact émotionnel sur les archivistes » a été présentée par Anouk Dunant Gonzenbach, directrice adjointe des Archives d’État de Genève, et Pierre Fluckiger, archiviste d’État à Genève.

Pendant longtemps, la politique du placement de l’enfant en Suisse a largement visé des communautés particulières d’habitants, en particulier les Yéniches. La fondation Pro Juventute, dans la première moitié du XXsiècle, a développé une politique consistant à retirer les enfants yéniches de leurs parents, dont le mode de vie était jugé mauvais. Alfred Siegfried, fondateur de cet établissement affirmait qu’en séparant les enfants yéniches de leurs parents, il était possible de briser ces communautés. Ces enfants, placés dans des familles d’accueil ou institutions, furent très souvent les victimes de maltraitances. En 1973, ce placement forcé des enfants yéniches fit scandale et cette pratique systématique de placement cessa. La fondation n’ayant aucune obligation de conserver ses archives, ces dernières sont aujourd’hui lacunaires.

Pendant longtemps, le sort des enfants placés est resté sous silence et pour entendre les premiers témoignages de ces enfants maltraités, il a fallu attendre les années 2000. Le parlement fédéral a alors adopté une loi sur l’assistance. Dans ses échanges avec le Parlement, le conseil fédéral a jugé nécessaire la reconnaissance des souffrances et traumatismes subis par les personnes concernées. Une indemnisation a pu ainsi être mise en place afin d’essayer, en partie, de réparer les traumatismes des victimes.

Dans le processus de recherche, les archives cantonales ont été le point de contact de l’État et ont eu pour mission de retracer ces parcours individuels. L’archiviste a dû rechercher tous les dossiers : observation des écoles, mineurs condamnés, expulsions. Malheureusement, les archives concernant ces enfants ont été détruites de manière non contrôlée.

Une assistance sociale a accompagné les personnes concernées dans leurs recherches de la vérité. Cette conférence a été l’occasion d’énoncer quelques conseils à destination des archivistes, notamment lors d’une telle consultation aux archives. Pour cela, il faut toujours expliquer aux personnes concernées que les institutions privées ou autres ont souvent détruit leurs archives. Il s’agit ainsi d’insister sur le fait que cela ne veut pas dire que leur existence historique n’existe pas. Souvent, les dossiers bouleversent et touchent aussi bien l’accompagné que l’accompagnant. Il faut alors gérer toutes les émotions relatives à ces histoires.

Pour ce faire, un recul est forcément nécessaire afin de se prémunir du stress et d’un possible burn out. Il est également conseillé de prendre des séances régulières chez un professionnel et aussi de diminuer le temps passé sur les dossiers étudiés. Enfin, il faut anticiper de potentiels sujets à venir en consultant l’actualité et en demandant des ressources au préalable. En effet, cette problématique de nouvelles recherches pour les enfants placés provoque une surcharge.

Finalement, ce type de recherche est particulier dans le sens où les archivistes ne sont pas formés à endosser un rôle social, qui dépasse leurs compétences traditionnellement réunies. L’État a le devoir de répondre aux citoyens. Par ailleurs, les archivistes sont à la fois sollicités par les victimes et les historiens. Il faut aussi veiller à ne pas faire des victimes de simples objets de recherche. Il a été intéressant de constater comment la troisième intervention intitulée « Intensifier un conflit en détruisant des archives : le cas de commission de vérité et réconciliation du Canada » faisait écho à la précédente dans tout ce qui peut découler des dérives eugénistes de certains organismes et même de certains États.

Jennifer Dekker, bibliothécaire à l’université d’Ottawa, s’intéresse à la question de l’affirmation politique à travers les archives. Elle a dépeint les crimes qui ont eu lieu dans certaines régions canadiennes, où des enfants d’Indiens ont été enlevés à leurs parents et placés dans des pensionnats autochtones pendant près de 150 ans. Ces élèves de pensionnat n’avaient pas le droit de garder de liens avec leurs frères et sœurs, ni de garder leurs vêtements familiaux. Les responsables allant même jusqu’à retirer leur nom de famille contre un nouveau nom, plus occidental. Une destruction systématique de leur identité culturelle a ainsi été opérée pendant des années. En 1955, environ 500 jeunes ont été dans ces pensionnats, subissant d’importantes violences allant de la maltraitance jusqu’au viol.

Une commission de vérité et réconciliation (CVR) a été mise en place en 2008 dans le cadre d’une poursuite collective de la part des anciens élèves des pensionnats autochtones. Sur les 80 000 victimes, au moins 35 000 ont demandé des indemnisations pour blessures graves et violences sexuelles.

Malgré le caractère libéral du Canada pour les droits de la personne, une condamnation a été prononcée pour génocide culturel par la CVR.

Toutefois, en 2017, la cour suprême du Canada a tranché pour une destruction des archives du processus d’évaluation indépendant (PEI) – mécanisme permettant de verser les indemnisations aux anciens élèves. Elle a jugé que la confidentialité des personnes était plus importante que la conservation des archives. On peut dans ce cas-là se référer à la loi allemande concernant les documents de la Stasi. Celle-ci garantit que les individus innocents aient un libre accès à leurs informations personnelles, le but étant de rendre la justice publique. Or, avec la décision du Canada, cela met un terme aux possibilités de faire appel au tribunal et d’avoir des preuves de ce qu’il s’est passé. Le but de la CVR était pédagogique alors que celui du PEI était de rassembler les preuves pour obtenir des indemnisations. Le Conseil international des archives affirme que le droit de savoir est un bien de base non seulement pour les personnes concernées mais également pour le bien collectif. En effet, le PEI a rassemblé de nombreuses preuves de mauvais traitements en plus des violences mais qui resteront inconnus.

C’est par la quatrième et dernière intervention intitulée « Une communauté d’ego-consultants : des usagers à la recherche de leurs dossiers d’enfant placé » que se clôture cette session, avec l’intervention d’Adélaïde Laloux, doctorante en archivistique à l’université d’Angers, dont le sujet de thèse porte sur « le dossier personnel de l’enfant dans le secteur sanitaire et social : constitution, conservation, accès ».

L’étude des dossiers de la protection de l’enfance permet d’étudier un ensemble d’usagers autour de la quête de leur passé. Les collectivités territoriales, les tribunaux produisent dans leur cadre de leur mission une masse importante d’archives, considérée aujourd’hui comme une formidable source d’information. Les nouvelles règles induisent une adaptation des pratiques dans la continuité de l’ego-archive (document et logique d’usages permettant aux individus d’asseoir leur logique d’individualité).

L’usager ayant besoin d’être guidé, ses recherches doivent l’être, d’autant plus que les archives sont les seules disponibles pour eux. Le cheminement interne est douloureux pour l’usager et les recherches s’avèrent compliquées. C’est pour cela que des consultations d’archives solidaires et regroupées sont organisées. À partir des années 2000, le Web permet aux personnes de se rassembler pour les recherches, via par exemple les forums de discussion. Effectivement, les personnes ont une conscience positive de ce qui se met en place, une véritable communauté se dessine et cette proximité permet de réfléchir ensemble.

Les recherches sont collaboratives dans le sens où chacun s’entraide. Pour les personnes non initiées, elles posent des questions plus générales. La typologie fait apparaître trois types de questionnements : demandes relatives aux démarches ; opacité des réponses et la nécessité d’en obtenir autrement ; compréhension du cadre légal.

Ce retour d’expérience permet aussi de renseigner les autres personnes avec qui ils discutent et qui ressentent le besoin de pouvoir montrer cette expérience. Le cercle d’entraide est une sorte de cercle vertueux vers la consultation. De plus, certains usagers sont devenus des experts de la collecte en ego-archives.

À partir de ce système d’accompagnement, les usagers s’autorisent des pratiques presque illégales. Par exemple, sur Facebook, des usagers en font des machines à retrouver les parents dans le cadre de naissances sous le secret. Actuellement, ce sont souvent les descendants de personnes assistées qui viennent consulter les dossiers aux Archives départementales. Les personnes de ces réseaux se définissent alors comme des personnes oubliées.


Archives militantes : le cas des archives LGBTQ et féministes

Session présidée par Claire Lemercier

Par Jérémie Vial, étudiant master 1 « Archives », université Lyon III

La session « Archives militantes : le cas des archives LGBTQ et féministes » a eu lieu le mercredi 3 avril dans le salon Passementier.

Élodie Hoppe archiviste de l’université Lyon 2 et Roméo Isarte co-fondateur de l’association Mémoires minoritaires sont intervenus sur le thème « Transparence choisie, transparence retrouvée des archives minorisées : les fonds queer et féministes ». Depuis les années 1970, il existe à Lyon de nombreux fonds d’associations LGBT aujourd’hui accessibles dans les lieux publics (bibliothèque municipale, Archives départementales). La résistance militante et les nombreux refus d’ouvrir les collections rendent difficile l’accès à ces archives. Les espaces de réflexion, tel que les bibliothèques LGBT et l’association Mémoire minoritaire désacralisent les archives en permettant leur modification. Un fonds documentaire a été créé en 1983 grâce à un financement social européen pour permettre des recherches sur les femmes et le féminisme, pour augmenter la visibilité des études sur le genre dans le cadre de l’université. Les travaux sur les archives communautaires permettent de répondre aux questions sur les pratiques patrimoniales des groupes sociaux.

Ensuite, Patrick Comoy, du collectif Archives LGBTQI est intervenu sur les « Archives LGBTQI+ en France, transparence et autonomie ». Il existe de nombreux centres d’archives LGBT dans le monde. En France le collectif archives LGBTQI+ a été créé en 2017 dans le but de rassembler en un seul lieu leurs archives. Ils souhaitent la création de cotes spécifiques pour les archives LGBT déjà présentes dans les centres d’archives. Des collectes peuvent être organisées pour récupérer les archives afin de les stocker, mais les organisations LGBT n’ont pas confiance dans les organismes de l’État et craignent pour leurs archives. Car, lors de la prise en charge des archives publiques, celles-ci sont triées selon leur support, les papiers sont placés dans les centres d’archives et les objets dans les musées. Ces fonds sont divisés avec des conditions de conservation différentes et l’enjeu de ce qui doit être conservé ou non. Les règles de communicabilité des archives publiques posent la question pour les groupes LGBT de l’utilité de les verser.

Bénédicte Grailles, maîtresse de conférences en archivistique à l’université d’Angers a clos la conférence avec le thème « Mes archives sont-elles queer ? ». Toute trace d’activité est une archive, pas de différence entre le fonds organique et le document qui peut se présenter sous différentes formes – imprimée, audio, iconographiques, objets ou récits de vie. Le féminisme d’état est peu archivé ou alors lié à des violences ou rapports médicaux lors de leur entrée dans les archives publiques. Les associations LGBT redoutent les éliminations arbitraires de leurs archives. Le militant et l’archiviste n’ont pas la même vision ni la même utilité des archives. Les militants privilégient les bibliothèques pour stocker leurs archives et rejettent les experts, pour avoir une plus grande autonomie archivistique. Ils ont pour leurs archives une logique de construction spécifique, plus collective avec une confusion entre le public et le privé. Les associations ont la volonté de travailler en lien avec des archivistes, afin d’élargir la stratégie de collecte et de conservation à des documents qui possède une valeur sentimentale pour les militants.


Transparence des archives privées

Session présidée par Arnaud Lamy

Par Anne-Sophie Delannoy, étudiante master 1 « Archives », université Lyon III

Cette conférence, qui s’est tenue le jeudi 4 avril 2019 dans la salle Marengo, s’est déroulée en deux temps. D’abord, Matthieu de Oliveira, maître de conférences en histoire contemporaine et responsable du master archivistique et monde du travail à l’université de Lille, a présenté les enjeux que constituent la transparence pour les entreprises avant de s’intéresser à ce que proposent les entreprises pour les archives. Ensuite, lors de la table ronde, animée par Pierre-Régis Dupuy, archiviste aux Archives municipales de Saint-Étienne et coordinateur du classement du fonds Casino, les intervenants se sont interrogés sur le dépôt des archives d’entreprises à un service public, notamment via les exemples de l’entreprise Casino, représentée par Gilbert Delahaye, et du musée des Verts, représenté par Philippe Gastal.

Matthieu de Oliveira évoque le secret des entreprises comme étant une nécessité. En effet, cela participe à leur organisation dans la mesure où une entreprise a pour vocation de produire quelque chose et plus souvent de dégager un profit. Or, pour maintenir une avance sur les autres individus du même secteur, il faut s’organiser. Cette stratégie d’ensemble vise à conserver sa position, voire à l’accroître. Ainsi, c’est pour cette raison qu’il faut maintenir un secret qui constitue un actif faisant la différence et lui permettant de se développer. D’ailleurs, certaines entreprises sont fondées sur le secret. C’est un moyen de se prémunir contre la pression des concurrents et l’intrusion de l’État. Cela permet donc d’encourager et de protéger l’innovation pour contrôler l’information. La mise en place du système de brevet d’invention dès le XVIIIe siècle vise à protéger l’invention et l’inventeur afin de lui procurer des revenus. En outre, il faut maintenir une complexité dans certains secteurs comme la comptabilité. Avoir plusieurs bilans permet effectivement de calculer des ratios et des taux de bénéfices. De plus, il faut prendre en compte le statut juridique de certaines entreprises.

« Protégez-nous beaucoup et laissez-nous faire ! »

Matthieu de Oliveira montre ensuite que la transparence constitue une ambition pour les entreprises, mais elle devient progressivement une nécessité. Effectivement, selon les cas, on ouvre les archives à des chercheurs ou à des professionnels dans un usage variable. Généralement, il s’agit d’une documentation pour faire la promotion d’une entreprise, donc dans une optique interne. Cependant, il existe également une optique plutôt externe. De plus, certains services d’archives se constituent de manière progressive. Selon les secteurs, certains sont plus ou moins bien représentés : face aux grosses entreprises, on ne sait ce qu’il reste des activités des PME, TPE ou startups qui souvent ne durent pas plus de trois ans. Il faut également se poser la question sur les archives des startups qui ont réussi, comme Facebook. Parfois, des bourses de recherche sont accordées pour faciliter l’accès aux fonds. Par ailleurs, on assiste à un passage progressif de l’approche du fonds en trois temps : la communication, le poste de coût et le moment patrimonial ; c’est-à-dire que les documents sont désormais considérés comme des ressources à part entière qu’il faut mobiliser.

Enfin, Matthieu de Oliveira présente les archives comme un vecteur d’inscription dans la durée. Progressivement, on observe que certaines entreprises font des archives un véritable poste de promotion. En fait, au bout d’un moment, les documents dits vieux « se transforment » en documents anciens, ce qui est mieux vu. Pour faire de l’ancien, il faut transformer les documents patrimoniaux en documents valorisables, intéressants. En fait, il faut mobiliser des éléments de temps court et de temps long pour montrer une certaine continuité dans la logique archivistique. Cela signifie que cette temporalité, différente, est difficile à saisir pour les chercheurs. Alors, de la part des entreprises, des stratégies sont développées pour la promotion des fonds. Par exemple, pour les Rothschild, les modalités de valorisation sont différentes. En effet, le groupe a décidé qu’il n’allait pas se charger de cette fonction. C’est pour cela qu’il confie leurs archives aux Archives nationales à Paris, puis à Roubaix. Enfin, certaines entreprises ont eu parfois des comportements pas toujours exemplaires et passent rapidement sur cela. Finalement, pour les entreprises ayant un fort potentiel, les dates de fondations sont souvent évoquées mais pas celles de création.

Cela permet d’insister sur la longueur de la durée et il donc serait intéressant de trouver à partir de quand on devient une entreprise patrimoniale.

Ainsi, alors que de véritables enjeux existent concernant la transparence des archives d’entreprises, ils sont aussi de taille pour ces deux entreprises emblématiques de Saint-Étienne : Casino et le musée des Verts. C’est ce qu’on peut comprendre à l’issue de cette table ronde entre les représentants des entreprises concernées, avec les explications de Pierre-Régis Dupuy.

D’abord, Gilbert Delahaye présente rapidement le groupe Casino qui correspond à plus de 12 000 magasins, y compris Monoprix, Spar, etc. Il naît en 1898 et a été dirigé pendant très longtemps par la famille fondatrice Guichard jusqu’en 1997. On distingue les archives historiques, les archives mortes (tout ce qui est comptable etc.) et les archives vivantes. Les archives historiques ont été entreposées dans des cartons mais personne ne les utilisait parce qu’il n’y avait pas d’archiviste. Finalement, elles ont été confiées aux Archives municipales, car elles ont un véritable intérêt dans la mesure où elles ont plus de 100 ans et reflètent la vie quotidienne et la création de cette entreprise. 200 mètres linéaires et 5 000 films ont ainsi été récupérés. Les archives sont rentrées en octobre 2016, et le fonds a commencé à être classé à partir de 2017. Ainsi, pas moins de sept archivistes se sont occupés de ce classement ; et en six mois, la partie la plus ancienne du fonds a été classée. Concernant les délais de communicabilité, le fonds Casino devait être ouvert assez rapidement : c’est le principe de libre communicabilité des documents à l’issue du classement du fonds. Ce travail permet aussi au groupe et à la famille de mieux connaître leur histoire. Une thèse a effectivement été soutenue l’année dernière à partir de ce fonds. L’instrument de recherche n’est pas encore terminé mais une fois que ce sera fait, il sera mis en ligne. Même si Casino reste propriétaire de ses archives, il est engagé dans la démarche de communication aux chercheurs selon une démarche patrimoniale et avec la conscience que les archives appartiennent finalement à la société française, et particulièrement stéphanoise. Le dépôt est signé pour quinze ans (comme pour le musée des Verts) mais il ne semble pas d’actualité que ces deux entreprises reviennent sur les conditions et le principe de ce dépôt.

Quant au musée des Verts, ouvert en 2013, Philippe Gastal explique qu’il est le premier musée concernant un club de foot à être ouvert donc Saint-Étienne est précurseur. En fait, cette initiative naît suite au 30e anniversaire de la victoire contre Glasgow en 2006, lorsqu’une exposition a été créée au stage Geoffroy Guichard à cette occasion. Il a donc fallu aller chercher des ressources auprès des familles d’anciens joueurs dans le but d’écrire l’histoire de l’ASSE. Finalement, le fonds est confié aux Archives municipales de Saint-Étienne pour garantir la sauvegarde du patrimoine. Régulièrement, de nouveaux fonds sont confiés aux Archives municipales. Pour organiser ce genre de travail, le fonds de l’ASSE représente 70 mètres linéaires. Cela comprend également de nombreux objets ainsi qu’une collection de 5 à 6 000 photos du club de 1933 à la date du dépôt. Toute demande de communication d’archives doit passer par l’accord du club, mais généralement la réponse est positive. D’ailleurs, l’instrument de recherche est déjà en ligne mais on peut tout de même noter qu’une restriction existe concernant les dossiers médicaux des joueurs.

Même si les deux fonds sont relativement complets et intéressants, il reste tout de même quelques manques, selon Pierre-Régis Dupuy, notamment concernant les joueurs directement de l’ASSE ou la gestion du personnel pour Casino.

Questionnaire : conclusion

En définitive, ces trois questionnaires nous ont permis d’avoir l’avis de sondés qui connaissent mal ou au contraire connaissent très bien le monde des archives.
Pour un néophyte, la notion d’archives renvoie très souvent à l’Histoire ; les archivistes sont de fait définis comme des passionnés de la discipline. Il faut souligner qu’un véritable échange peut naître entre un lecteur et un archiviste. Ce dernier insiste sur l’importance de la communication pour mieux éduquer le citoyen à l’accès à l’information.
Sur le volet du numérique, tous s’accordent sur le fait que la consultation d’archives sur internet est un réel progrès. Conséquemment, les sites des services d’archives sont devenus des incontournables. Ils permettent de déposer du contenu numérisé et ainsi les services – municipaux ou départementaux – sont plus visibles. Ce bouleversement a demandé aux archivistes de revoir l’organisation de leur temps de travail.
À propos de la politique de l’open-data, elle reste à ce jour méconnue par la majorité des citoyens interrogés. Elle n’a pas eu de conséquences sur le travail des archivistes.
L’action culturelle dans les services d’archives est devenue essentielle. Les expositions et les conférences rencontrent en effet un franc succès.
Cependant, une relation plus étroite avec les professeurs des établissements scolaires serait souhaitable. Une meilleure collaboration permettrait de mettre en place de nouvelles solutions pédagogiques.
En ce qui concerne la collecte des archives : les actes notariés méritent d’être plus collectés, d’après les lecteurs. Cette typologie s’avère de fait utile à la pratique de la généalogie. Les professionnels indiquent qu’ils préfèrent collecter davantage d’archives privées.
Enfin, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) est bien reçu par tous les sondés. On remarque que très souvent le respect de la vie privée des personnes est estimé plus important que la notion de transparence.

 

Retrouvez l’analyse complète du questionnaire

Questionnaire – Rubrique III : les professionnels

Introduction

Ce questionnaire a été envoyé en décembre 2018 et il était possible de répondre jusqu’à mi- janvier 2019.

Presque 400 personnes ont répondu à ce questionnaire. La plupart des questions totalisent 391 réponses, parfois moins (nous ne comptons pas les “blancs” considérés comme des non-réponses)
Nous avons tenté de restituer au mieux les réponses et les idées principales qui sont ressorties pour chacune des questions. Ce questionnaire regroupe dix questions (en décomptant la question préalable sur l’âge des participants).
En raison de la disparité des réponses selon les items, toutes les questions ne font pas l’objet du même type de restitution (à certaines correspondra un diagramme, à d’autres un résumé détaillé)
Il ne s’agit pas de prétendre faire une analyse profonde (qui nécessiterait des compétences supplémentaires et davantage de moyens pour s’avérer pertinente) mais de tenter de donner un aperçu des avis et interrogations relevant de la profession dans le cadre donné par le questionnaire.
Ci-dessous, la question 0 donnant une indication sur la moyenne d’âge des participants.

Voir l’analyse de la rubrique III : les professionnels

Voir l’article de présentation

Questionnaire – Rubrique II : les usagers des salles de lecture des services d’Archives

Introduction

Le deuxième questionnaire concernait les usagers des salles de lecture des services d’archives ou de leurs sites internet, c’est-à-dire des personnes ayant déjà fréquenté un service d’archives ou le site internet d’un service d’archives pour des besoins divers ou parce qu’ils y trouvaient un certain intérêt.

Ce questionnaire se découpait en 11 questions distinctes qui avaient pour but d’en apprendre davantage sur les usagers d’archives, la connaissance qu’ils ont de ce monde et ce qui motive leurs recherches. 545 personnes ayant répondu à notre questionnaire se sont désignées comme étant des usagers des archives ; 3 sondés ont moins de 18 ans, 76 ont entre 18 et 30 ans, 197 entre 30 et 55 ans et 269 ont plus de 55 ans, soit 49% des personnes interrogées. 316 personnes interrogées fréquentent aussi bien les salles de lecture que les sites internet des services, soit 58% des sondés. 22 personnes fréquentent exclusivement les salles de lecture et 207 les sites des services d’archives uniquement.

 

Voir l’analyse de la rubrique II : les usagers des salles de lecture des services d’Archives

Voir l’article de présentation