
La session « Archivistes et engagement » présentée par Agnès Vatican, présidente du comité scientifique du forum des archivistes de 2025, s’est déroulée en deux temps. Tout d’abord, un échange sous forme d’un « dialogue intergénérationnel à deux voix » entre Isabelle Neuschwander, ancienne directrice des Archives nationales, et Jeanne Mallet, actuelle directrice des archives départementales de l’Aveyron. Dans un second temps, Céline Guyon et Hélène Chambefort nous ont présenté un exemple d’une mobilisation citoyenne que l’Association des archivistes français a porté. Celle-ci concerne l’accès aux archives classées secret défense et la défense du droit d’accès aux archives, suivi d’une réflexion sur l’engagement de l’association dans son ensemble.
Lors du dialogue entre Mme Neuschwander et Mme Mallet, trois axes se sont dessinés. Premièrement, une réflexion autour de la définition de l’engagement, dans un second temps les formes que ce dernier peut prendre, avant de conclure sur les possibles freins à cet engagement. Selon Mme Neuschwander, « la façon dont les archivistes exercent leur métier est le reflet de la vitalité de la démocratie », l’engagement est ainsi le prolongement de l’investissement professionnel des archivistes, mais nous pouvons et devons le dépasser. En effet, elle insiste sur le devoir qu’ont les professionnels à s’engager. En réponse, Mme Mallet suggère que ne pas s’engager est déjà une forme d’engagement. De plus, elle souligne que les raisons et les causes de l’engagement diffèrent au fil des époques, donnant à ce dialogue intergénérationnel, selon ses mots, un « intérêt particulier ». Ainsi qu’il s’agisse d’un engagement personnel ou collectif, contre un projet présidentiel ou en dénonçant des violences sexuelles faites au travail, la valeur de l’engagement n’a de telle que la volonté de l’archiviste de faire respecter le droit, tout en le nourrissant de l’intérieur par le contact avec les autres. Et si des soucis d’éthique, de devoir de réserve et de déontologie peuvent être le frein de l’engagement, les intervenantes tiennent à rappeler qu’il existe bien des moyens d’agir avant de désobéir et que, si engager rime avec enrager, cela rime également avec société.
En prenant comme socle la mobilisation menée par l’association des archivistes français contre la déclassification formelle imposée par la norme IGI 1300 (contexte des archives classées secret défense au service historique de la Défense), Céline Guyon (Enssib) et Hélène Chambefort (Inserm) exposent les engagements sociaux de l’AAF. Ceux-ci se traduisent par la formation progressive d’un collectif interprofessionnel composé de chercheur.euse.s et d’archivistes, entrainant une « forme d’acculturation des historiens à la culture archivistique » (Mme Guyon). En plus des spécialistes directement concernés par les revendications, d’autres citoyens, comprenant un certain nombre de juristes, ont décidé de s’allier au projet faisant évoluer la mobilisation d’un débat de techniciens vers un débat de citoyens. Au moyen de diverses actions institutionnelles et militantes telles que le lobbing, les communiqués et tribunes… le collectif a exprimé ses opinions et ses revendications jusqu’à ce que en 2021, le deuxième recours au conseil d’Etat donne raison à l’AAF entrainant une modification historique de l’article L 213-2 du Code du Patrimoine. Mme Chambefort défend la liberté de prise de position, notamment au sein de l’association, rejetant ainsi la neutralité dans la profession.
Pour conclure, les interventions de la session « Archivistes et engagement », se répondent dans l’idée d’une légitimité de prise de position lorsque celle-ci se révèle nécessaire. Les mobilisations d’hier sont peut-être résolues aujourd’hui mais des interrogations similaires émergent et se concrétisent à des époques différentes. Les enjeux géopolitiques internationaux actuels révèlent ainsi la nécessité de continuer la lutte.
Billet rédigé par Mila François et Louna Parquic