Session “Archivistes et usagers : des attentions réciproques”
présidée par Nathalie Sage-Pranchère, CNRS
Jeudi 27 mars 2025 – 14h à 17h (avec pause)
Vendredi 28 mars – 09h à 10h30
Grand auditorium
Réparer les mémoires ? : le projet « Réfugiés et internés
dans le Sud-Ouest – 1936-1944 ».
Table ronde animée par Christine Martinez (Archives départementales du Lot)
Avec :
- Jean-Charles Bédague (Service interministériel des Archives de France)
- Marine Garnier (Archives nationales)
- Grégory Tuban (Mémorial de Rivesaltes)
Depuis plus de cinquante ans, les services d’archives sont confrontés à une demande croissante de recherches personnelles de la part de particuliers. Après la vague de la généalogie « classique », on a vu arriver des demandes qui touchent à des parcours de vie meurtris et plus intimes : descendants de juifs spoliés pendant la période de l’Occupation, descendants d’Espagnols exilés pendant la guerre d’Espagne, adultes placés par la justice pendant leur enfance cherchant à reconstituer leur parcours, voire enfants de victimes de féminicide.
L’archiviste, tenu par la loi de répondre à ces demandes, peut aussi être touché par ces histoires douloureuses et tenté d’y prêter une attention particulière. Il se retrouve donc dans une situation paradoxale au cœur de l’attention :
- Aider, en répondant à cette demande qui est, en dehors des aspects légaux, sociale et humaine, et qui émerge parfois dans un contexte particulier (commémoration, campagne médiatique, pression politique…) ;
- Se protéger et protéger son équipe confrontée à cette pression, la décharger de ce poids et de cette surcharge de travail, au risque d’une embolisation. C’est donc aussi la vie du service, son fonctionnement harmonieux, qui sont en jeu.
La présentation et le débat autour du projet « Internés et réfugiés dans le Sud-Ouest – 1936-1944 », porté par 15 départements du sud-ouest, mais qui rencontre les préoccupations d’autres services d’archives, et qui a pour objectif de répondre à une demande sociale par la reconstitution de parcours, proposera des éléments de réflexion pour répondre à cette double problématique, tout en soulignant les limites et écueils des solutions envisagées
Mots-clés : mémoire, parcours, réparation, droits humains, reconstruction




Mettre les archives au centre de l’attention : retour d’expérience sur une collaboration en cours entre archivistes, historiennes et professionnel·les de santé en détention
Table ronde animée par Gaïd Andro, INSPE de Nantes et membre junior de l’IUF (chaire de médiation scientifique), membre fondatrice de l’AmuloP, de Cartier Libre et du GREM
Avec :
- Mona Le Bris, Centre hospitalier Guillaume Regnier
- Mathilde Pintault, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine
- Fanny Le Bonhomme, Université de Poitiers
Cette table ronde a pour objectif de présenter une collaboration en cours entre archivistes, historiennes et professionnel·les de santé, autour de l’exploitation d’un fonds d’archives : le fonds du service psychiatrique de la prison Jacques-Cartier à Rennes (Centre puis Service médico-psychologique régional, 1979-2010).
Cette collaboration s’inscrit dans un projet de recherche et de médiation, financé par l’ANR, qui vise à faire de la prison Jacques-Cartier (1903-2010) un objet de recherche et un terrain d’expérimentation pour penser les liens entre sciences et sociétés. Alors qu’on réfléchit à Rennes sur les futurs usages de ce lieu en reconversion, des questionnements ont rapidement émergé sur l’histoire de la prison, tout comme sur les conditions actuelles de détention et de travail en prison. C’est dans ce contexte spécifique que des collaborations se sont nouées entre historiennes et archivistes pour mettre en place des activités de recherche tout comme des dispositifs de médiation sur l’histoire de cette maison d’arrêt. Les premiers résultats de l’enquête orale ont également incité l’équipe à s’intéresser plus particulièrement à l’histoire du service psychiatrique de la prison. Est alors née l’idée d’organiser des ateliers interdisciplinaires réunissant archivistes, chercheur·es, anciens soignant·es de ce service et professionnel·les de santé en activité (psychiatres, psychologues, infirmier·es psychiatriques), autour de l’analyse d’un corpus d’archives médicales (lectures croisées de dossiers de patients). S’inspirant d’un atelier histoire/médecine mené au Centre Hospitalier Esquirol (Limoges) en février 2023, il s’agit de faire de ces archives le support d’une réflexion interdisciplinaire croisant les temporalités tout comme les pratiques de lecture et d’écriture et permettant de nourrir les pratiques professionnelles des archivistes, des historiennes et des soignant·es. Cette table ronde présentera les enjeux méthodologiques et éthiques à l’œuvre dans le travail de préparation et de conception de ces ateliers, tout comme les objectifs poursuivis par l’ensemble des participants.
Mots-clés : interdisciplinarité, archives médicales, sciences avec et pour la société (SAPS), psychiatrie, prison




L’attention conjointe aux archives politiques contemporaines
Bernard Lachaise, Université de Bordeaux-Michel de Montaigne
Odile Gaultier-Voituriez, Sciences Po Paris
Odile Gaultier-Voituriez et Bernard Lachaise proposent une communication à deux voix sur l’attention conjointe aux archives politiques contemporaines. Comment les archives politiques conservées à Sciences Po servent-elles aux recherches effectuées par Bernard Lachaise ? En quoi sont-elles complémentaires d’autres fonds d’archives, privés ou publics ? Comment l’historien se comporte-t-il face aux archives ? Quelle place les archives occupent-elles dans la recherche en histoire contemporaine ? L’historien peut-il être aussi un intermédiaire pour des entrées de fonds ? Comment l’archiviste peut-il fournir des pistes renouvelées de sources ? En quoi une collaboration entre archiviste et historien fondée sur le respect mutuel, la confiance et les échanges profite-t-elle grandement à la recherche ? Comment l’archiviste participe-t-il aux publications qui font progresser la connaissance ? À travers des exemples variés et d’une collaboration dans la durée, à la fois pour la sensibilisation des étudiants aux archives, pour la collecte et pour l’exploitation des archives, les deux intervenants montreront en quoi l’attention portée aux archives est fructueuse pour la recherche en cours.
Mots-clés : archives, histoire contemporaine, histoire politique, recherche scientifique


Guider dans le cadre de classement des Archives départementales : les vertus d’un dialogue fécond entre archivistes et usagers
Sandrine Heiser, Archives nationales
Lors du 1er Forum des archivistes à Angers en 2013, Sandrine Heiser avait présenté la Journée du généalogiste organisée quelques mois auparavant au Service historique de la Défense. L’originalité de cette initiative avait alors été de s’affranchir du cadre de classement pour permettre aux généalogistes de retrouver leurs ancêtres à partir de leur parcours individuel, grâce à une publication les guidant dans les fonds correspondants.
Dix ans plus tard, cette approche « thématique » s’est largement diffusée, notamment via la mise en évidence des fonds les plus consultés, dans l’objectif louable de faciliter la recherche. Ainsi, l’offre numérique et les moteurs de recherche ont attiré l’attention vers certaines sources… au point d’en invisibiliser bien d’autres. La disparition même de l’arborescence propre à la logique archivistique, sur certains sites d’archives, en est révélatrice. En outre, la recherche depuis chez soi parmi les archives numérisées coupe les internautes de l’univers concret de la conservation et du classement des archives. Or 96 % des fonds ne sont pas sur Internet et les historiens des familles ne savent plus comment y accéder.
Partant de ce constat, la généalogiste professionnelle Myriam Provence a souhaité mettre en lumière les archives à forte valeur ajoutée généalogique contenues en série M. des archives départementales. Se saisissant de cette logique, les éditions Archives & Culture entreprennent de consacrer un guide à chaque série, dans un mouvement de retour de balancier. Se voyant confier la direction de cette nouvelle collection, Sandrine Heiser a choisi de réunir, en un dialogue fécond, l’archiviste et l’usager, confrontant les points de vue et coopérant à l’écriture des guides dont chacun a besoin et envie. Tout en revenant aux fondamentaux de l’archivistique, ils intègrent une entrée par mots-clés et élargissent le champ de vision des curieux vers des sources qui méritent le détour.
Mots-clés : accessibilité des instruments de recherche, collaboration avec le public, appropriation du cadre de classement, généalogie, guide, sérendipité

Reaching new users through crowdsourcing – the #everynamecounts initiative of the Arolsen Archives
Mareike Hennies, Arolsen Archives
Communication en anglais (une traduction papier sera transmise dans la salle)
Summary in English
Since the launch of the Arolsen Archives’ crowdsourcing initiative #everynamecounts in 2020, volunteers from all over the world have worked on millions of records, making it a successful example of crowdsourcing.
Through the help of tens of thousands of volunteers who transcribe historical documents such as concentration camps records, the campaign is building the world’s largest online archive on people persecuted by the Nazis.
The archive has not only gained numerous new users through the project, but has also enabled new interactions between the archivists and the users.
This input will give an overview over the project, its processes, its aims and its development over the years. A particular focus will be how the relationship between staff and users of the Arolsen Archives has changed as a result of the project and the new dynamics that have developed between them. This example demonstrates the usefulness of crowdsourcing as a strategy or tool for archives to engage the wider public and to enable it to participate in the process of archiving and remembering.
Résumé en français
Depuis le lancement de l’initiative de crowdsourcing #everynamecounts des Archives Arolsen en 2020, des bénévoles du monde entier ont travaillé sur des millions de documents, ce qui en fait un exemple réussi de crowdsourcing.
Grâce à l’aide de dizaines de milliers de bénévoles qui transcrivent des documents historiques tels que les archives des camps de concentration, la campagne permet de constituer le plus grand fonds d’archives en ligne au monde sur les personnes persécutées par les nazis.
Les archives ont non seulement gagné de nombreux nouveaux utilisateurs grâce au projet, mais elles ont également permis de nouvelles interactions entre les archivistes et les utilisateurs.
Cette contribution donnera un aperçu du projet, de ses processus, de ses objectifs et de son évolution au fil des ans. Un accent particulier sera mis sur la façon dont la relation entre le personnel et les utilisateurs des Archives Arolsen a changé à la suite du projet et sur la nouvelle dynamique qui s’est développée entre eux. Cet exemple démontre l’utilité du crowdsourcing en tant que stratégie ou outil pour les archives afin d’impliquer le grand public et de lui permettre de participer au processus d’archivage et de mémoire.
Mots-clés : Crowdsourcing, indexing, digitalization / crowdsourcing, indexation, numérisation

